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BUSINESS CASES : les erreurs de traduction qui ont coûté cher

HSBC : un « Assume Nothing » à 10 Millions de dollars

En 2009, la banque HSBC a traduit son nouveau slogan “Assume Nothing” en plusieurs langues. La traduction du slogan a été erronée et interprétée comme “Ne faites rien” (et non pas “Ne supposez rien” ou “Ne présumez de rien”  évoquée dans le slogan d’origine).

Pour réparer les dégâts, la banque a dû investir 10 millions de dollars dans une nouvelle campagne de rebranding.

Bangkok Broadcasting and Television Channel 7 a mis en colère les téléspectateurs Laotiens à cause d’une mauvaise traduction

Channel 7 est une chaîne télévisée appartenant à l’Armée Royale Thaïlandaise. En 2014, lors d’une nouvelle émission, la chaîne a présenté des mots en thaï avec leur traduction en laotien. La version laotienne comportait beaucoup d’erreurs de traduction, ce qui a provoqué une vague d’indignation.

L’incident a été très mal perçu par les téléspectateurs laotiens, accusant la chaine de “moquerie”, “supériorité”, ou encore de ”racisme”. Les réseaux sociaux se sont enflammés, l’audience de la chaîne a baissé, la réputation  remise en cause.

La chaîne a dû avouer que la traduction n’a pas été vérifiée avant la diffusion. La production a présenté des excuses officielles à l’ambassadeur du Laos en Thaïlande pour manque de professionnalisme.

Brexit : erreur diplomatique lors de la traduction du Livre Blanc

Le gouvernement britannique a fait traduire le résumé de son Livre Blanc sur le Brexit en 22 langues européennes. Les locuteurs natifs ont découvert que le texte a été affecté par de nombreuses erreurs de traduction.

Plusieurs noms de pays ont été mal orthographiés. Le Livre Blanc en version allemande porte le plus grand nombre d’erreurs. Le phénomène a suscité beaucoup de réactions et a provoqué beaucoup de colère notamment sur les réseaux sociaux.

Mead Johnson Nutrition rappelle 4 Millions de produits

En 2001, le leader de l’alimentation du nourrisson Mead Johnson Nutrition a fait une erreur de traduction de l’anglais vers l’espagnol. La traduction erronée concernait les instructions pour la préparation du produit.

Un rappel de produit de 4 millions de boîtes de préparation pour nourrissons a été engagé par le géant américain, pour éviter tout risque de problèmes de santé chez le bébé.

Tesla : un accident à Beijing causé par une mauvaise traduction

Les véhicules Tesla sont connus pour leur avancée technologique. Malgré sa réputation de précurseur, le constructeur automobile a omis d’optimiser la traduction du système d’aide à la conduite en Chine pour la Tesla Model S.

  • Luo Zhen, l’utilisateur du véhicule, a été accompagné par le système d’aide à la conduite de Tesla lors d’un trajet.
  • Le système d’aide à la conduite a été traduit de l’anglais au chinois, et le mot “autopilote” a été interprété comme “zidong jiashi”, ce qui veut dire littéralement “conduite autonome”.
  • Le conducteur a donc lâché le volant du véhicule en pensant que l’automobile conduirait en autonomie, sans l’intervention du chauffeur.
  • La voiture, n’étant pas en “conduite autonome complète” mais plutôt sous système d’assistance, a heurté un autre véhicule stationné sur la route.

Cette mauvaise traduction et le manque de compréhension technique a causé un léger accident, et a couté 50 000 Yuans de frais de réparation à M. Luo Zhen. L’accident a suscité beaucoup de débats sur Sina Weibo, un réseau social populaire en Chine.

 

LES ALÉAS DU MÉTIER: JOURNAL D’UN GÂCHIS

Le métier de traducteur réserve des surprises, parfois très mauvaises, comme celle de trouver dans le livre imprimé des erreurs que vous n’aviez pas commises. Vous avez rendu ce que vous preniez pour la version finale, prête à l’impression, par laquelle vous engagez votre nom – Dominique Vitalyos, traductrice littéraire, spécialiste du domaine indien – et votre réputation – jusqu’ici sans tache notable (pour ce que j’en sais) – et on intervient en y intégrant des suggestions qui n’ont ni queue ni tête, puis on publie. Vous auriez dû, bien entendu, en prendre connaissance afin de pouvoir les rejeter, mais on ne vous les a jamais présentées.

 

Vous restez avec un sentiment d’effraction, de sabotage, de diffamation (on vous a fait signer des énoncés incorrects que vous n’avez pas écrits) et d’injustice. Le tort n’est pas réparable et c’est tant pis pour vous. Certains vous reprochent même le ton que vous employez pour déplorer ce qui s’est produit, bien que vous vous exprimiez contre le procédé, avec une chaude colère, certes, mais non contre les personnes, envers lesquelles vous ne nourrissez aucune hostilité particulière. On vous comprend, dit-on, mais chez certains, le cœur n’y est pas. Pure formalité.

 

Alors vous vous dites : pas question de laisser penser sans rien faire que je suis l’autrice de ces inepties. Je dois au moins me dégager publiquement de la responsabilité qui pèse à tort sur moi, car personne ne se remettra publiquement en cause pour me défendre. Et vous le faites dans votre blog, dans l’espoir conjoint que la relation de ce regrettable épisode incitera plus que jamais les traducteurs littéraires à demander des garanties d’accès à toutes les données suggérant des modifications qui précèdent l’impression.

 

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Sur un mur de Varanasi (Bénarès), 1984  ©D. Vitalyos

 

Qu’il soit donc entendu que dans Bollywood Apocalypse, de Manil Suri, publié par les éditions Albin Michel, je n’ai pas écrit:

 

p. 11:

rayer Bombay et nous tuer tous”

mais

rayer Bombay (et tous ses habitants) de la surface de la terre” (en français, on raye un lieu de son contexte, la carte, la terre, le monde; on ne la raye pas comme une dette; on la rase, tout court, par contre, mais c’est autre chose).

P. 14,

il faut avoir une idée un peu spéciale, en tout cas tout à fait hors contexte, du français pour prétendre corriger  : “le vol ne paie pas” (sur le modèle du crime) en “le vol ça ne paie pas”.

p. 60

(les personnages se trouvent dans un hôtel kitsch dont chaque salle est décorée en fonction d’un thème de l’histoire indienne vue par les nationalistes). À la ligne 28, j’ai écrit:

… le thème de la Vallée de l’Indus tel qu’il était développé au 3000 av. J.-C. (la discothèque du sous-sol)

et non pas:

…. le thème de la Vallée de l’Indus tel qu’il était développé trois mille ans avant J.-C. (la discothèque du sol),

ce qui ne veut strictement rien dire et constitue un contresens grotesque. Deux sous de jugeote et de questionnement (pourquoi la traductrice a-t-elle écrit “au”? Pourquoi la parenthèse?), et il devenait évident que 3000 av. J.-C. était le nom de ladite discothèque. Mais penser qu’elle ne connaît pas le français (au trois mille ans…), c’est beaucoup plus rapide, et pourquoi perdrait-on du temps à se demander si, déjà à son époque, en dépit de sa grande modernité, la Vallée de l’Indus était assimilable à un “thème”…???)

p. 158 :
“censé …m’emplir le cœur” devient “censé… de m’emplir le cœur”
p. 187:
on écrit pizzeria et non pizzéria dans ma culture comme dans celle du Grand Robert.
p. 200:
on écrit “il caquète” et non “il caquette” dans ma culture comme dans celle du Grand Robert (et de Grevisse, voir 761a). Caqueter fait partie des verbes (en e muet + consonne simple à l’infinitif) qui se conjuguent sur le modèle d’acheter (è + consonne finale simple: j’achète, je pèle, je caquète), en compagnie de nombreux autres. Seuls échappent à la règle les verbes appeler (appelle), jeter (jette) et leurs dérivés.
À suivre. À ce stade de la lecture de Bollywood Apocalypse, et à défaut d’avoir consulté mon blog, on doit déjà penser que le français n’est pas ma langue maternelle.
Le point sur la question:
J’ai terminé ma lecture et envoyé la liste à l’éditeur: en tout dix erreurs, imputables à un processus défectueux qui m’a interdit la consultation de suggestions (1) et de corrections (2) défectueuses, devenues de ce fait des dégradations imposées. Dégrader un texte n’est certes ni la mission ni l’objectif des éditeurs, mais le résultat est le même.
– Deux impropriétés (rayer Bombay, le vol ça ne paie pas),
– Un contresens (trois mille ans avant J.-C.),
– Une faute de construction (censé de),
– Une conjugaison fautive (caquette au lieu de caquète)
plus tout un saupoudrage de modifications erronées concernant les pluriels:
– “des première classe”, invariable quand est sous-entendu “sièges de”, est devenu “des premières classes” (p. 277), comme s’il y en avait plusieurs, la 1, la 2, la 3…
– À deux reprises (p. 106 et p. 430), le passage en italique du motasana – parce qu’on ne le trouve pas dans le dictionnaire français (modification justifiée que j’aurais validée) – s’accompagne de la préservation du s du pluriel français alors que la convention retenue est que les mots de langues indiennes restent invariables puisqu’ils ne connaissent pas le s pluriel,
– un poisson assez gros pour qu’on garde le partitif ((du) pomfretcroustillant) a hérité d’un pluriel (croustillants) (p. 84);
– une lettre manquante (un t p. 432, ligne 30).
Pour le moment, on ne m’a proposé qu’un rétablissement de mes choix dans l’hypothèse très incertaine d’une réimpression. Mais le mal est fait, bien sûr, et encore faudrait-il que le livre ait du succès…

J’ai demandé s’il était possible d’éditer une feuille recensant les erreurs  à glisser dans les exemplaires en stock.

 

À suivre

De la nécessité des erreurs

Nathaniel Hiroz

Parmi toutes les absurdités de notre système éducatif, il en est une qui m’exaspère particulièrement et dont j’aimerais traiter dans le présent article : la haine des erreurs.

Le système tout entier est fondé sur le rapport à la faute. Des tests sont créés, des évaluations mises au point, afin de perpétuer le sport favori du monde de l’école : la chasse aux erreurs. Celles-ci sont traquées, débusquées et jovialement marquées du sceau de la honte, à coups de stylo rouge. Les points sont attribués, les élèves jugés et classés, les futurs définis, dans une société qui ne sait fonctionner qu’à l’aune des concours et des diplômes.

Je n’irai pas par quatre chemins : ceci est le rapport aux erreurs le plus stupide qui se puisse concevoir. Voici pourquoi : les erreurs ne sont pas seulement inévitables, elles sont nécessaires et souhaitables. Réfléchissez à votre propre expérience : vous avez sans doute appris tout autant, sinon plus, de vos échecs que de vos succès. Concentrons-nous cependant ici sur le sujet qui nous intéresse en particulier : l’apprentissage des langues.

La réalité linguistique

Dans le contexte des langues, s’il est possible d’opérer avec un tel paradigme, basé sur l’aversion et la punition des erreurs, c’est que le système éducatif est déconnecté de la réalité linguistique. Notre système scolaire occulte totalement ce qui constitue l’essence des langues. Celles-ci sont avant tout des moyens de communication entre êtres humains. Elles permettent à plus de 7 milliards de personnes d’échanger des informations, de raconter des histoires, de vendre et d’acheter des biens, de déclarer la guerre ou de déclarer leur flamme.

Que reste-t-il de tout cela dans le monde de l’école et des classes de langues ? Dans ce petit univers cloîtré, les langues, comme les autres matières, sont réduites à l’état d’objets d’étude abstraits, virtuels. Comme à une plante dont on a arraché les membres pour les coller dans un herbier, il reste bien peu de ce qui fait la vitalité des langues, de ce qui constitue cette dimension fondamentale de communication et d’expression.

Est-ce que ces milliards d’humains seront outrés si vous conjuguez mal un verbe ou déclinez de manière erronée un adjectif ? Seront-ils scandalisés par votre vocabulaire limité ? Eh bien non, quoi qu’en pense l’école. Dans le monde réel, les gens se fichent pas mal de vos conjugaisons approximatives, de votre syntaxe hésitante, de votre confusion entre masculin, féminin et neutre. Ils seront surtout et avant tout contents que vous ayez fait l’effort d’apprendre un peu de leur langue et que vous ayez tenté de vous exprimer dans celle-ci plutôt qu’en français (ou en anglais).

Des mésaventures amusantes

Parfois les erreurs ont pour résultat de donner à vos mots une signification toute différente de celle escomptée, créant des situations cocasses. Jugez plutôt : du temps où j’apprenais le suédois, je rencontrais chaque semaine une jeune femme suédophone pour faire un tandem. Il existe dans cette langue scandinave deux verbes très similaires pour une oreille de francophone : fika et ficka. Le premier signifie plus ou moins « prendre un café ». Le second renvoie à une intimité physique intense et relève d’un registre vulgaire (en d’autres termes, le mot se traduirait par « baiser » en français). Ils se distinguent essentiellement par la longueur de la première voyelle et de la consonne la suivant. J’eus un jour la bonne idée de proposer à ma partenaire linguistique d’aller boire un café. Mais ma voyelle était un peu trop courte, ma consonne un peu trop longue. Je n’ai jamais vu une personne aussi perturbée par une invitation à aller prendre un café.

Un ami brésilien en visite en Allemagne et faisant l’effort de parler allemand se trouva un jour pris d’un besoin naturel dans un restaurant. Apostrophant poliment une serveuse pour lui demander s’il pouvait die Toilette benutzen (« utiliser les toilettes »), il se trompa et utilisa le verbe putzen (« nettoyer ») à la place debenutzen. Cette serveuse fut sans doute très touchée par la serviabilité de mon ami.

Ce ne sont que deux exemples parmi toutes les situations comiques que vivent quotidiennement les apprenants de langues. Est-ce que le monde s’arrête de tourner chaque fois que quelqu’un prononce mal un mot ou confond deux verbes ? Est-ce que ma partenaire linguistique a mis fin à nos échanges et a déposé plainte pour harcèlement sexuel ? Mon ami brésilien s’est-il vu obligé de récurer les toilettes de ce restaurant allemand, sous les moqueries des clients et du personnel ? En fait, non. Après quelques instants de gêne, des explications et des rires partagés, la vie continue, une nouvelle anecdote amusante en poche.

Erreurs et développement personnel

Une des conséquences de la phobie des erreurs est que bien des apprenants attendent patiemment le jour où leur sera offerte, des cieux, une permission de parler, le jour où ils seront « assez bons ». J’ai une mauvaise nouvelle pour ces gens : ce jour n’arrivera jamais. Vous ne serez jamais « assez bon-ne » pour commencer à parler. Personne ne l’est. La première fois où vous ouvrirez votre bouche pour parler la langue que vous apprenez, que vous ayez étudié celle-ci pendant un jour, un mois ou une décennie, vous aurez de la peine. Vous hésiterez, vous ferez des erreurs, vous vous sentirez certainement bête. Et tout ceci est normal.

Comme je le répète régulièrement, le principal défi auquel sont confrontés les apprenants de langues n’est pas la grammaire, la prononciation ou un nouvel alphabet. Il ne s’agit pas de la mémorisation de milliers de mots, des conjugaisons et déclinaisons irrégulières, aussi complexe que puisse paraître cette tâche. La véritable difficulté, c’est d’être prêt à faire des erreurs et à s’exposer à un sentiment d’imperfection et de vulnérabilité.

À travers l’apprentissage d’une langue, vous serez inévitablement confronté(e) à certaines peurs. Peur de faire des erreurs, peur du ridicule, peur de parler avec des inconnus, peur de perdre contrôle et d’être en situation de faiblesse. C’est pour cela que l’apprentissage des langues est un fabuleux outil de développement personnel. En faisant l’effort de parler dans une nouvelle langue, en vous plaçant volontairement dans des situations pas toujours agréables, et en continuant à avancer malgré les erreurs, ou plutôt grâce aux erreurs, vous développerez de nombreux aspects de votre personnalité. Vous en sortirez grandi(e), et pas seulement à un niveau linguistique.

Avez-vous peur des erreurs ? Avez-vous déjà vécu des situations cocasses en raison d’une confusion linguistique ? Avez-vous constaté des changements positifs dans votre personnalité grâce à votre apprentissage d’une langue ? Partagez avec nous vos expériences dans les commentaires !